Le Salmson VAL 3 de Didier
Ça m'a fait plaisir de te croiser à nouveau, Didier... Ça faisait quelques années que l'on ne s'était vus !
On est chez Gazo, Didier a déjà fait admiré son joujou aux journalistes de Gazo
et aux habitués du rasso, alors je me la joue facile en citant l'article...
Salmson VAL 3 : COMME UN AVION SANS AILESLégers et sportifs. Voilà comment nous pourrions caractériser les cyclecars. Ces petites voitures sont nées d’une loi de finances de 1920, laquelle réduisait à 100 F la taxe annuelle sur les automobiles qui répondaient à quatre critères : un poids maximal de 350 kg, un moteur dont la cylindrée ne devait pas excéder 1.100 cm3, posséder trois ou quatre roues mais pas plus de deux places. Comme d’autres, le motoriste Salmson s'est intéressé aux cyclecars par opportunisme. Après le conflit mondial, il fallait bien trouver une suite industrielle, le contrat pour la fourniture de moteurs d’avions de combat arrivant à son terme. L’automobile était une voie à explorer. Cette VAL 3 de 1925 illustre la reconversion du constructeur de Billancourt.Texte Hugues Chaussin
Les sensations pures ne sont pas le privilège des produits laitiers. Mouais... pas folichon comme attaque de texte. Et pourtant, voilà bien ce qui a effleuré mon cerveau embrumé de buveur de lait entier, en ce matin de juillet. Après avoir avalé mon grand bol quotidien de céréales, je réveille la 205 GTi qui ne s’attendait sans doute pas à pareille réjouissance : 50 minutes d’autoroute en direction de Montereau, à la limite de la Seine-et-Marne et de l’Yonne. A l’invitation de l’Amicale Salmson, qui organise son rallye cyclecars dans les environs de Fontainebleau, une place m’attend dans la VAL 3 de Didier Deffrasnes, dont vous avez déjà pu suivre la restauration (Gazoline 178 à 181).
La 205 tire la tronche. Elle va passer la journée sur le parking de l’hôtel, en bordure de Nationale 6. Elle sait que je vais la délaisser au profit d’une autre petite sportive qui ne manque pas de piment. Elle s’en remettra sans doute. En attendant, je saute dans la place décalée de la minuscule auto de Didier. Il fait presque beau et pas vraiment chaud. Normal, nous sommes en juillet. Ma grand-mère, qui disposait d’un bon sens bien à elle, n’aurait pas manqué d’ajouter : « Il n’y a plus de saison ». J’ai bien fait de prévoir des vêtements de circonstance.
Didier met en marche la bestiole à la manivelle. Pas pour le folklore. Plus prosaïquement parce que « le démarreur fonctionne un peu quand il veut ». Il faut s’en accommoder. L’avantage, avec ces vieilles mécaniques, c’est qu’il n’est jamais bien compliqué de s'en sortir. La preuve avec la mise en route. Au moyen d’un petit morceau de métal, notre hôte maintient un régime légèrement accéléré, le temps que le moteur chauffe ce qu’il faut. « C’est mon starter artisanal. »
Sous le capot, peu de chevaux. 18 lorsque toutes les conditions sont optimalesUne fois le pilote aux commandes, il est temps de lâcher les chevaux. 18 au total, et en théorie. « Quinze, peut-être », suppose humblement Didier, qui attache bien peu d’importance au nombre exact de la cavalerie. En effet, bien malin qui saurait évaluer, au poney près, la puissance du moteur. Sûr que nous tomberions dans la marge d’erreur du dynamomètre ! Didier me tend le carnet de route. Je comprends ce qu’il me reste à faire. On ne s’est presque pas perdus. Disons... qu’on s’est toujours retrouvés ! Dans ce type de promenade conviviale, l’essentiel est bien là. Vous vous en doutez, il n’y a aucune contrainte de vitesse, ce qui ne nous empêche pas de faire quasiment tout à fond.
La truffe au vent, nous voici partis sur les routes de ce coin reculé de l’Ile-de-France, à l’assaut de villages aux noms insoupçonnés. L’occasion de s’assurer de la popularité hallucinante des voitures d’avant-guerre. Des mamies en blouses “vu à la télé” aux “zyva” en casquette à l’envers, mamie VAL ne donne pas le blues dans les patelins. Vous souhaitez attirer la sympathie ? Roulez en Salmson ! Il vous faudra aussi aimer les courants d’air. Le joli pare-brise, entièrement façonné par Didier, fait ce qu’il peut. Mieux vaut prévoir une laine, au cas où. Et un K-way, re-au cas où. Mais une fois protégé des éléments, tout va. C’est sûr, ne cherchez pas à téléphoner au volant, de toute façon c’est interdit. Et puis VAL aime que l’on s’occupe d’elle, ce qui ne déplaît pas à Didier : « On ne peut pas s’ennuyer au volant d’un cyclecar. C’est tellement vivant, qu’il y a toujours quelque chose à faire lorsqu’on est aux commandes. »
Vous l’aurez compris, cette voiture est dans le vent, et nous aussi. Surprenante d’agilité, elle permet même, occasionnellement, de mettre une pile à quelques modernes. Un jour, Didier aurait ainsi, dans un giratoire, fait l’intérieur à un usager qui ne s’en serait toujours pas remis. Il faut dire que, sous ses dehors frêles, la petite se défend avec vaillance. Les quatre gommes, des Blockley en 19 par 3,5, « moins chers et plus résistants que les pneus à talons », s’accrochent tout ce qu’elles peuvent, au moins sur le sec, autorisant une conduite dynamique lorsqu’on a pris la mesure des capacités et surtout des limites de l’auto. Car VAL n’a pas de freins sur les roues AV. Et juste des tambours en tôle emboutie à l’AR, commandés par câbles. Autant dire des ralentisseurs ! Mathieu Gras, vice-président de l’Amicale de la marque, m'a confié une astuce : « Pour améliorer le freinage, il est possible de remplacer les tambours en tôle par ceux en fonte qui se trouvent à l’AV des premières 2 CV. Ils se montent en lieu et place, presque sans adaptation ». Didier n’a pas souhaité sacrifier à cette solution, il a préféré une autre alternative : « D’origine, le levier manuel commande le tambour gauche, et la pédale le tambour droit. J’ai modifié le dispositif afin que la pédale actionne simultanément les deux freins. »
Plus souple que nerveuse, la mécanique procure de jolies sensationsDidier, vous l'aurez compris, n’est pas un fana des transformations structurelles. Son auto, il l’a bien en mains ainsi et il l’apprécie telle qu’elle est. « Quand je veux rouler vite, je prends mon Spider Renault », justifie notre passionné, qui tient à rester au plus proche des capacités d’époque de sa monture. « Tu vois, ajoute-t-il, j’ai conservé le petit carbu de 22 d’origine. Ça marche bien, hein ? En prime, cela autorise davantage de souplesse qu’avec un gros carburateur. » L’élasticité, telle est bien la principale caractéristique de ce petit 4 cylindres culbuté, dont la longue course de 90 mm permet une conduite prolongée sur le troisième et dernier rapport. Il est en effet étonnant de constater à quel point ce moteur reprend, à des régimes quasi agricoles, sans même broncher et ce malgré ses petits 1.086 cm3. N’oublions pas que Salmson était d’abord un motoriste, ce qui explique sans doute ces qualités mécaniques.
Ce groupe propulseur possède une réelle bonne volonté et ne peine pas à entraîner les 350 kg très théoriques de VAL. « Certainement plus », pense Didier, qui n’a pas encore trouvé l’occasion de peser son auto, mais qui doute fort qu’elle soit aussi légère. Le moteur possède en outre une particularité de taille puisqu’il ne comporte que quatre tiges et quatre culbuteurs, ces derniers commandant bien l’ouverture et la fermeture de huit soupapes. Le tout avec quatre cames, cela va de soi. Cet ingénieux système, qui n’a pour seul véritable défaut que de ne pas autoriser le croisement des soupapes, joue parfaitement son rôle.
A dire vrai, et à écouter ceux qui savent, l’unique point faible de ce moteur demeure son vilebrequin, qui repose seulement sur deux paliers. Les contraintes qu'il supporte sont telles qu’il est impossible d’envisager sereinement un régime de rotation supérieur à 3.000 tr/mn. A la conduite, il faut donc se montrer vigilant et en garder un peu sous le pied, par précaution. Il n’y a pas de compte-tours, mais Didier imagine, en vitesse de palier, soit un bon 65-70 km/h, que le régime moteur avoisine les 2.500 tr/mn. Difficile, en effet, d’aller au-delà sans solliciter trop fortement la mécanique...
SUITE ET FIN DE CET ARTICLE DANS GAZOLINE 193 – OCTOBRE 2012
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